domingo, 22 de noviembre de 2015

Après les attentats, les intellectuels pensent la riposte

LE MONDE | • Mis à jour le | Par


Si la réponse de la France aux attaques terroristes du 13 novembre est désormais policière, judiciaire et militaire, la riposte peut être aussi morale et intellectuelle.

Des idées pour tenter de comprendre les sombres temps dans lesquels nous sommes plongés. Des réflexions pour résister à la terreur et à la sidération. Des analyses, parfois contradictoires, destinées à déjouer la panique et le prêt-à-penser. Car si la réponse de la France aux attaques terroristes du 13 novembre est désormais policière, judiciaire et militaire, la riposte peut être aussi morale et intellectuelle.

Face à ce climat mortifère, nous avons besoin de boussole et de repères. L’approche philosophique ne permet certes pas de panser les plaies, mais peut apporter quelques éléments de compréhension. Non pas pour accepter ou justifier l’horreur, mais afin, au contraire, de mieux répliquer à cette gigantesque déflagration.
Pour cela, la France doit faire le deuil de l’illusion d’une Europe affranchie des frontières et de ­l’Etat-nation, explique l’universitaire américain Mark Lilla, qui connaît si bien ce Paris bohème ­ensanglanté où il séjourna, notamment lors des ­attentats contre Charlie Hebdo. Et l’Union européenne doit cesser de laisser se métastaser « le cancer de l’extrémisme islamique » qui se répand dans la porosité de l’espace Schengen, renchérit l’écrivaine néerlando-somalienne Ayaan Hirsi Ali.

Une certaine jeunesse en déshérence

Gare cependant à la tentation du repli, prévient le philosophe allemand Jürgen Habermas. Plutôt que de « sacrifier » les vertus démocratiques sur « l’autel de la sécurité », la France comme les autres pays européens devrait remédier à la « pathologie ­sociale » d’une certaine jeunesse en déshérence qui sombre dans le djihadisme.
D’autant que la République n’est pas vide de sens ni de spiritualité, défendent, loin des idées reçues, les philosophes Pascal Engel et Claudine Tiercelin. Car, paradoxalement, explique l’historien Marcel Gauchet, la réactivation du fondamentalisme islamique est le signe d’un processus de « sortie de la religion », inséparable d’une mondialisation qui achève son expansion.
Il faudra pourtant mener une « guerre idéologique » contre le fanatisme islamique, assure le philosophe américain Michael Walzer. Mais aussi un combat éthique contre notre légitime propension à céder « aux logiques de peur et de haine », indique le philosophe français Frédéric Gros. Autant d’appels à la résistance intellectuelle, autant ­d’invitations à philosopher par gros temps.
A lire sur le sujet:
- Entretien avec Jürgen Habermas: « Le djihadisme, une forme moderne de réaction au déracinement », propos recueillis par Nicolas Weill. Le fondamentalisme djihadiste n’est en rien une religion, souligne le philosophe allemand.
- Nous devons mener une guerre idéologique, par Michael Walzer. Le philosophe américain estime que les intellectuels ont le devoir de réactiver la cause d’Etats sans dieux face au fanatisme religieux.
- La fin des illusions d’une France sans frontières, par Mark Lilla (professeur en humanités à l’université Columbia, Etats-Unis). Fin connaisseur de la France, l’universitaire américain autopsie un pays qui doit faire le deuil de ses victimes comme de ses croyances politiques.
- Entretien avec Marcel Gauchet : « Le fondamentalisme islamique est le signe paradoxal de la sortie du religieux », propos recueillis par Nicolas Truong. Pour l’historien, la mondialisation provoque une rupture avec l’organisation religieuse du monde. Elle touche de plein fouet les musulmans, dont une fraction résiste de façon radicale à la marche de l’histoire. Il explique que l’origine de la violence des terroristes n’est pas sociale ou économique, mais bien religieuse.
- Non, les valeurs de la démocratie ne sont pas vides! Par Pascal Engel (directeur d’études à l’EHESS) et Claudine Tiercelin (professeure au Collège de France). La religion n’est pas seule à pouvoir répondre au vide de sens que l’on prête à nos sociétés. Les valeurs de la République sont pourtant des idéaux substantiels.
- L’Europe doit prendre des mesures fortes pour combattre le cancer le l’islam radicalisé, par Ayaan Hirsi Ali. La fermeture des mosquées et autres lieux de propagande islamiste s’impose, tout comme le conditionnement de l’accueil des migrants au respect des valeurs européennes, afin d’endiguer la menace, estime l’écrivaine néerlando-somalienne.
- Entretien avec Frédéric Gros : « Trop de sécuritaire tue la sécurité », propos recueillis par Nicolas Truong. Nous sommes bien en guerre, explique le philosophe et professeur de pensée politique, mais gare à ne pas tomber dans la surenchère sécuritaire. La résistance au climat de terreur peut être aussi bien éthique que militaire et politique, souligne-t-il, ajoutant qu’ « il faudrait refonder le concept de guerre ».

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